Station: [2] La chambre
M: «Entre Tes mains, je remets mon esprit. Tu m’as racheté, ô Seigneur, Dieu de vérité.»
F: Autrement dit «Bonne nuit !»
M: Jadis, comme de bien entendu, tout bon chrétien se devait de posséder son livre de prières sur sa table de chevet.
F: Le réveil posé à côté est un peu particulier : à coup sûr, il a été fabriqué entre 1914 et 1918, pendant la Première Guerre mondiale.
M: A quoi le voit-on ? Voici quelques indices !
F: D’abord les portraits des personnages masculins: À gauche le Kaiser, en uniforme gris, aisément reconnaissable grâce à sa fameuse moustache ondoyante et à ses favoris bouclés. À droite l’empereur d’Autriche, François-Joseph Ier. Pendant la Première Guerre mondiale, on aimait à représenter les deux empereurs.
Autre indice ? L’heure indiquée.
M: La Première Guerre mondiale a cessé depuis dix petites minutes.
F: A présent, intéressons-nous au lit. Sans doute l’avez-vous déjà remarqué, il n’est vraiment pas long !
M: En fait, à l’époque, ce n’était pas nécessaire, car les gens avaient coutume de dormir en position assise semi-couchée. S’allonger aurait été assimilé à la position d’un cadavre. A l’inverse, on s’imaginait échapper à la mort en dormant assis. Cette position n’était ni saine ni confortable, mais comme chacun sait, la peur et la superstition suscitent les pires extravagances.
F: La grande armoire en bois mérite votre attention: «Die Aussteuer ist die einzige Steuer, die nicht hoch genug sein kann» : cette fameuse maxime allemande, due à l’écrivain Wilhelm Hauff (1802 - 1827), repose sur un jeu de mot entre «Aussteuer» (dot) et «Steuer» (impôt), la dot étant, dixit l’auteur, le seul impôt qui ne soit jamais assez élevé. C’est dire combien cette coutume de la dot était propice aux combines. Draps, nappes et autres pièces textiles constituant le trousseau étaient pliés de sorte à gonfler leur volume. Ensuite on les rangeait ostensiblement sur l’avant de l’étagère… en laissant vide la partie arrière. C’est probablement de là que vient le dicton allemand: «Vorne hui, hinten pfui». Devant «waouh!», derrière «beuhhh». Ne vous fiez pas aux apparences !
M: Cette robe noire appartenait à Maria Drometer, native de Unterbettringen. Peut-être l’a-t-elle portée pour ses noces, mais sans garantie. En tout cas, à son époque, il était courant de se marier en noir, couleur censée souligner la piété de l’épouse. Sachant que nombre de régions rurales ont conservé cette tradition jusqu’au début du 20ème siècle, il n’est pas exclu que Maria Drometer ait revêtu cette tenue pour ses épousailles, en 1879. L’heureux élu était un certain Gottlob Mundinger. Nul doute que ce fut un vrai mariage d’amour. Jugez-en plutôt : une catholique épouse un protestant … Comble du scandale en ce temps-là!
Fotos: © Jürgen Bahnmayer