Carl Peters @museum.de

Mais qu’est-ce là, une statue de bronze renversée qui gît au sol?

Le directeur du musée s’explique : Ce n’est qu’une fois que nous avons eu l’idée d’exposer le buste mémorial à même le sol, en position déchue, que nous avons été satisfaits de la manière d’évoquer la mémoire de Carl Peters.

Comment peut-il être préférable de déboulonner un buste plutôt que de renoncer tout bonnement à le montrer? Commençons par le commencement :

Carl Peters est considéré comme le fondateur de la colonie d’Afrique orientale allemande, un territoire qui correspond grosso modo à la Tanzanie actuelle. Il s’y rend coupable d’exactions d’une cruauté telle qu’il doit quitter les colonies, en 1892, et qu’il est par la suite renvoyé et dégradé de l’armée impériale. Il est alors affublé des sobriquets Peters le sanguinaire et Peters la potence.

Pourtant, dès 1914, l’ancien colonialiste semble être remis au goût du jour puisqu’on lui dédie une statue en bronze surdimensionnée, destinée à être érigée sur la côte Est de l’Afrique. Une destination qu’elle n’atteindra jamais, puisque la Première Guerre mondiale éclate entre temps. Elle est donc brièvement placée sur une rive de l’Elbe à Hambourg, avant d’être mise au rebut dans l‘entrepôt d’un armateur de la ville hanséatique.

Avec la montée en puissance des nazis, Carl Peters est célébré tel un visionnaire. En 1931, Helgoland est finalement jugé être le lieu idoine pour accueillir le monument à sa mémoire - pour le plus grand ravissement des insulaires. Ils n’avaient pas oublié que les colonies allemandes en Afrique avaient été la monnaie d’échange donnée aux Britanniques pour qu’Helgoland soit réintégrée à l’Empire allemand, sous l’empereur Guillaume II. Les contemporains estimaient donc avoir une grande dette envers Peters.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en dépit de voix critiques, la statue qui n’était plus qu’un buste avait réussi à s’imposer dans l’espace public d’Helgoland. Une aberration qui devait enfin prendre fin en 1990.

Trouver le cadre approprié à ce personnage historique de triste mémoire a été un petit défi pour le musée. Mais la statue a enfin trouvé la place qu’elle mérite dans l’exposition: gisant dans la poussière.